Voilà pourquoi GRIGNON ne doit pas être vendu au QATAR !

Le hasard éditorial fait bien les choses ! Alors que l’Etat continue à vouloir livrer le domaine de GRIGNON au QATAR, Mediapart et Marianne publient une série d’enquêtes aussi cinglantes qu’irréprochables sur les dessous de « la razzia immobilière » de l’Émirat en FRANCE. De quoi renforcer les craintes des défenseurs de GRIGNON quant aux conditions de la vente et aux risques encourus par le site.

 

L’édition de vendredi de l’hebdomadaire Marianne annonce, en manchette, la publication d’une enquête intitulée « La véritable fortune du Qatar en France« .

Plus bas, un cassandrien « Ça va mal finir ! » barre la Une, faisant référence, non aux entreprises du QATAR en FRANCE, mais aux violences dans les manifestations et au climat politique délétère.

Pourtant, après avoir dévoré le passionnant dossier de 12 pages concocté par Arnaud BOUILLIN et Mathias DESTAL et consacré à l’emprise immobilière du QATAR dans l’Hexagone, le lecteur se dit que, tout compte fait, le titre de la Une pourrait parfaitement s’appliquer à l’enquête annoncée en manchette !

Car si le QATAR continue effectivement dans de telles conditions sa « razzia » sur le patrimoine français, nul doute que « Ça va mal finir !  » …

Mediapart et Marianne, que nul ne songera à soupçonner de véhiculer de nauséabondes idées identitaires mais qui ont pour habitude d’offrir à leurs lecteurs des enquêtes courageuses et sans concessions, ont eu accès à des centaines de documents confidentiels sur la fortune colossale amassée en FRANCE par la famille royale qatari.

Le résultat de leur dépouillement laisse pantois.

Dès jeudi, Yann PHILIPPIN et Donatien HUET en révélaient une partie dans Mediapart au travers de trois enquêtes au contenu stupéfiant, consacrées à la fortune personnelle de l’Emir, au train de vie de sa famille et  au « système al THANI ». Le même jour, sur le site internet de Marianne, Arnaud BOUILLIN et Mathias DESTAL livraient leur part de découvertures dans une enquête toute aussi saisissante, consacrée à la razzia immobilière de la famille royale du Qatar en France.

Le dossier que proposent ces deux mêmes journalistes dans l’édition papier de l’hebdomadaire, avec l’aide de leurs confrères Vladimir de GMELINE et Bruno RIETH, ne peut que faire froid dans le dos aux défenseurs du domaine de GRIGNON, malheureuse victime d’un nouveau caprice qatari et menacé de tomber à son tour dans l’escarcelle de l’Emirat.

Les enquêtes de Marianne viennent en effet démontrer le bien-fondé de toutes les inquiétudes nourries par les opposants à cette scandaleuse braderie de notre patrimoine historique, scientifique et agroécologique.

Au travers de cet examen minutieux des méthodes employées par le QATAR dans sa grande partie de Monopoly hexagonal, se trouvent en effet illustrées tous les périls auxquels GRIGNON est aujourd’hui exposé.

Opacité de la transaction

Depuis la révélation de l’affaire CLAM-GALLAS, qui a vu l’Etat français céder sans aucune mise en concurrence le splendide palais qui abritait l’Institut Culturel Français de VIENNE au QATAR, au mépris d’offres alternatives qui auraient pourtant permis de préserver et de valoriser ce joyau patrimonial, le Collectif pour le Futur du Site de GRIGNON ne cesse de mettre en garde contre la répétition de ce scandale au préjudice de GRIGNON.

 

Marianne révèle le caractère récurent de ces pratiques dès lors que le QATAR entre en scène, en évoquant l’affaire du VISTA PALACE, un hôtel de 70 chambres et 20 suites sur la commune de ROQUEBRUNE CAP-MARTIN, luxueux nid d’aigle planté en haut d’une falaise, avec vue imprenable sur la baie de MONACO.

L’édifice, nous apprend l’hebdomadaire, a été acquis en 2014 par l’ancien émir du QATAR à la barre du Tribunal de Commerce de NICE. A la barre mais surtout au nez et à la barbe d’une vingtaine d’autres candidats en lice. Et ce, bien que son offre ait été transmise hors délai et qualifiée par les juges eux-mêmes dans leur décision d’« imprécise sur le projet économique de la reprise » et sur « le bénéficiaire économique ultime des sociétés luxembourgeoises et hollandaises » …

Motif de la faveur ainsi accordée ? Un chèque d’un montant supérieur …

Qu’importent le projet et la transparence du montage financier : le QATAR obtient toujours ce qu’il paie … plus cher que les autres !

Provisoirement toutefois puisque deux juges d’instruction parisiens sont désormais saisis du dossier, à la suite d’une plainte pour corruption, trafic d’influence, escroquerie au jugement et abus de pouvoir déposée par l’ancien propriétaire du VISTA …

Faudra-t-il attendre que le pôle financier du Tribunal de Grande Instance de PARIS soit saisi du cas GRIGNON pour que la lumière se fasse enfin sur les conditions dans lesquelles se trame dans les coulisses du pouvoir la grande braderie grignonaise ?

Les scandaleux précédents du Palais  CLAM-GALLAS et du VISTA PALACE sont là pour le démontrer : GRIGNON ne doit pas être vendu au QATAR !

Mise en péril du patrimoine

Le Collectif pour le Futur du Site de GRIGNON le répète depuis le début de son combat : livrer GRIGNON au PSG (pour en faire un terrain de football géant), ou au QATAR (pour en faire une résidence « de prestige »), reviendrait à coup sûr à mettre en péril ce site d’exception.

En rappelant le tragique précédent de l’Hôtel LAMBERT à PARIS, Marianne met à juste titre le doigt sur ce danger majeur qui menace GRIGNON.

On se souvient que l’Hôtel LAMBERT, l’un des plus beaux édifices de la capitale, construit en 1640 par Louis LE VAU à la proue de l’île Saint-Louis et racheté par les Qataris, a fait l’objet à leur  initiative de travaux pharaoniques, pour la bagatelle de 47 millions d’euros. Des travaux qui furent à l’origine d’un spectaculaire incendie ayant « causé des dommages irrémédiables » à ce bijou de l’architecture parisienne du XVIIème siècle.

Mais, rétorqueront les défenseurs de l’Emirat, il s’agissait là de travaux accomplis par des bienfaiteurs, destinés à restaurer un patrimoine en péril laissé à l’abandon par une FRANCE impécunieuse !

L'Hôtel Lambert, en pleine rénovation qatarie ...
L’Hôtel Lambert, en pleine rénovation qatarie …

Loin s’en faut cependant : l’objet des travaux était principalement de doter l’hôtel de tout le confort qatari à savoir parking souterrain avec ascenseur à voitures, climatisation intégrale du bâtiment, ascenseurs multiples etc …Marianne évoque d’ailleurs l’ « intense bataille juridique entre les propriétaires et la Mairie de Paris » ayant pour objet la nature des travaux, « supervisés par l’architecte en chef des Monuments historiques (…) un peu oublieux des contraintes liées à un bâtiment classé. ». Comme si, lorsque le propriétaire est le QATAR, les règles avaient une fâcheuse tendance à s’estomper …

Marianne poursuit : « Un ascenseur avec accès direct à la chambre, un parking souterrain pas très XVIIème siècle … Sans compter la multiplication des câblages et l’installation de la climatisation. », ajoutant : « Là-dessus, on n’a pas pu faire fléchir les Qataris » explique le président de l’association Paris historique. « Pour eux, ne pas avoir de clim est inenvisageable ».

Et c’est ainsi qu’« Après plusieurs recours et suspension du permis de construire en 2009, les travaux avaient repris en 2010, avec promesse des nouveaux proprios de ne pas mettre leur projet de modernisation en œuvre. Las … L’incendie semble avoir eu pour origine la surchauffe d’un câble situé dans les combles. »

Depuis lors, les travaux se poursuivent. Après le désastre, se font-ils enfin dans les règles ? Impossible de le vérifier car, nous dit Marianne, le bâtiment « toujours en chantier, ressemble à Fort Knox, avec palissades et tourniquets sécurisés »

Faut-il rappeler que le château de GRIGNON n’a ni climatisation, ni ascenseurs multiples ?…

Ce qui serait un grave problème pour les Qataris !!

Et, faut-il également le rappeler, la mise aux normes émiraties du château Louis XIII imposerait des travaux plus colossaux encore que ceux subis par l’Hôtel LAMBERT ….

Surtout, doit-on aussi rappeler que pour demeurer le joyau naturel, historique, scientifique et culturel qu’il est, GRIGNON n’a besoin ni de climatisation, ni d’ascenseurs ?

Le dramatique précédent de l’Hôtel LAMBERT est également là pour le démontrer : GRIGNON ne doit pas être vendu au QATAR !

Escamotage des règles du droit de l’urbanisme

Le site de GRIGNON est protégé par des règles très strictes, relevant tant du droit de l’environnement que du droit de l’urbanisme.

A ce jour, nulle construction ne peut être édifiée sur le domaine, classé en presque totalité en zone N (où toutes les constructions neuves sont interdites en dehors de celles liées aux exploitations forestières ou agricoles) et, pour quelques parcelles seulement, en zone UD (réservée aux constructions en lien avec des activités de recherche et d’enseignement agronomiques, ainsi que les activités qui s’y rattachent).

De même, les exhaussements et affouillements de sol y sont interdits.

Depuis des mois, le Collectif pour le Futur du Site de GRIGNON pose la question : quel serait le poids de ces règles face à un acquéreur nommé PSG ou QATAR ?

La réponse est là encore fournie par Marianne au travers de deux exemples désespérants.

Le premier est situé à quelques encablures de GRIGNON, sur la commune de MARLY-LE-ROI, ou l’ancien émir du QATAR possède une des nombreuses pièces de sa vaste collection immobilière : le château de VERDURON. Un « bijou d’architecture Louis XIV » comme le rappelle l’hebdomadaire, racheté en 2002 pour 6,6 millions d’euros.

Or, en face de ce joyau, avec un égard très particulier pour l’harmonie Grand Siècle qui a probablement fait se retourner dans sa tombe le malheureux LE NOTRE, « l’ancien chef d’Etat qatari s’est fait construire un Spa XXL ».

Pourtant, s’étonne Marianne, « Le domaine disposait déjà d’un coin pour barboter. ». Certes,  « Mais Hamad al-Thani voulait un endroit à sa démesure, avec gymnase, piscine, Jacuzzi, tepidarium, sauna, hammam, salon de beauté, de relaxation, de massage, barber-room, bar à jus de fruits et salle de détente. »

Bref, un grand Spa de 600 m², toisant le château qui fut, dit-on, celui de Louis BLOUIN, premier valet de Louis XIV mais aussi celui de Victorien SARDOU auteur, entre autres, de la comédie dramatique intitulée « Les Ganaches ».

Comme le relève Marianne, « Le style épuré de cette pataugeoire pour VIP contraste singulièrement avec celui du château » …

Avis aux amoureux de GRIGNON : voilà comment pourrait être « enrichie » la perspective qu’offre le château sur le vallon du rû de GALLY si, par malheur, le propriétaire du château du valet de Louis XIV acquérait celui du président à mortier de Louis XIII …

 

Mais, ne manqueront pas de l’affirmer, la main sur le cœur, l’Etat et ses représentants, les règles d’urbanisme protègeront le site !!

Le Préfet de région CARENCO, qui a la haute main sur le dossier, n’écrivait-il pas dans un communiqué du 11 mars 2016, avec l’inflexibilité de CATON devant le Sénat de ROME, qu’il ferait « respecter les règles qui sont applicables sur ce site et les protections qui s’imposent en matière des sites et de patrimoine. » ?

Pauvre Préfet ! Ignore-t-il vraiment ce que valent « les règles qui sont applicables » lorsqu’il s’agit de les appliquer au QATAR ?

Connait-il, par exemple,  la commune de MOUANS-SARTOUX, à quelques kilomètres de CANNES, dans les ALPES MARITIMES ?

Là, l’ancien Emir du QATAR, l’une de ses femmes et certains de ses enfants possèdent un domaine de 32 ha sur lequel ils ont fait édifier ou rénover pas moins de sept villas, agrémentées de courts de tennis, de piscines, d’un héliport etc …

Sans que les « règles qui sont applicables » ne les aient le moins du monde perturbés !

En effet, comme le rapporte Marianne, ils ont eu la chance de bénéficier de « menues concessions » de la mairie … Sans doute favorisées par les encouragements amicaux de l’Etat et de ses représentants ! Parmi lesquels, peut-être, le préfet de région …

C’est ainsi que la mairie a « délivré à ses prestigieux résidents un permis de construire les autorisant à bâtir un immense complexe sportif sur une parcelle jusque-là inconstructible » …

Ce petit « caprice à 15,7 millions d’euros » comprenant « une salle de sport, une piste de bowling et un terrain de basket-ball, sans compter les inévitables saunas et hammams richement décorés de mosaïques en marbre ».

On mesure ici ce que représentent, face au bon vouloir des Qataris, la notion d’inconstructibilité ou celle de «  protections qui s’imposent en matière des sites et de patrimoine. » fièrement brandies par le Préfet CARENCO pour rassurer les grignonais !

Marianne le démontre et sa démonstration est glaçante : en France, ce que QATAR veut, Dieu semble le vouloir. Et l’Etat s’exécute sans broncher !

En veut-on une preuve supplémentaire ? Elle est également fournie par Marianne qui nous apprend qu’en 2002, la mairie de MOUANS-SARTOUX « a gentiment cédé pour 1 € symbolique la portion d’un chemin communal qui traversait malencontreusement le terrain des Al-Thani, séparant la partie sud du reste de la propriété. » …

Voilà pourquoi il est possible d’affirmer ici solennellement : GRIGNON livré au QATAR ne sera plus GRIGNON. Il deviendra le champ clos du bon plaisir de son nouveau propriétaire, et l’Etat s’inclinera devant celui-ci. Si le QATAR veut construire il construira. S’il veut raser, il rasera. Si tel chemin lui plait on le lui offrira.

Voilà pourquoi ce scandale ne doit pas avoir lieu.

Voilà pourquoi GRIGNON, site unique, patrimoine exceptionnel, ne doit pas être vendu aux QATAR.

Bunkerisation du domaine

GRIGNON est un bien commun.

Depuis bientôt deux siècles, au travers des activités de l’Ecole d’Agronomie, de l’INRA et de la Ferme Expérimentale, le domaine est au service de tous.

Longtemps, il a également été le lieu de promenade des riverains qui pouvaient, jusqu’à ce que la grande tempête de 1999 fragilise son espace boisé, y accéder librement.

Demain, GRIGNON, doit continuer être ce bien commun au service du bien commun. Il doit pouvoir ouvrir à nouveau ses grilles aux riverains mais aussi aux visiteurs venus de tous les horizons.

Tel est le projet défendu par le Collectif pour le Futur du Site de GRIGNON, au travers de son Centre international d’échanges, de formation et d’innovation dédié à l’agroécologie, à la nutrition et à l’environnement.

Face à ce projet ouvert, destiné à tous, que proposerait le QATAR s’il se saisissait de GRIGNON ?

Il suffit là encore de suivre les enquêteurs de Marianne et d’observer la propriété de l’ancien émir à MOUANS-SARTOUX.

Le domaine,rapporte l’hebdomadaire, est «  protégé par une clôture ultrasécurisée (caméras thermiques, gardiens, patrouilles mobiles) » …

Peut-il en être autrement d’un site hébergeant l’un des personnages les plus riches et les plus puissants du monde ?

Sans doute pas.

Mais peut-il en être ainsi d’un site naturel, historique, scientifique et mémoriel, qu’un roi, Charles X, a voulu offrir à la Nation toute entière pour y faire prospérer la recherche au service de la communauté nationale ?

La France, pays de la Révolution et des Droits de l’Homme, pourrait-elle ainsi défaire au profit du roi d’un micro-Etat du Golfe, si puissant soit-il, ce qu’un roi de France a fait voici deux cents ans, au profit de tous ?

Bunkériser GRIGNON, ce serait insulter l’Histoire.

Voilà pourquoi vendre GRIGNON au QATAR serait un scandale absolu.

Merci à Mediapart et à Marianne d’avoir tiré la sonnette d’alarme alors qu’il est encore temps d’éviter le scandale.

Puissent nos gouvernants entendre cette sonnette avant qu’il ne soit trop tard.

A défaut, il reviendra à la Justice de sanctionner, au nom du droit et de la défense du bien commun, ce qu’un Etat oublieux de ses devoirs et hypnotisé par les gazodollars, aura honteusement accompli.